Comment l’expédition s’adapte-t-elle

Comparativement à d’autres grandes voies de navigation fluviale dans le monde, le fleuve Saint-Laurent est une voie navigable privilégiée.

Il coule de l’embouchure du lac Ontario, à une altitude de 250 mètres. De sa source au golfe, la rivière parcourt 1 197 kilomètres et est alimentée par plusieurs affluents dont les rivières des Outaouais, Richelieu, Saint-François et Saguenay.

Mais les effets du changement climatique se font sentir. L’industrie maritime s’adapte. Il s’engage actuellement dans une mutation vers les technologies intelligentes en vue de cette transition énergétique vers la décarbonation.

Dans cet article, nous verrons comment les industries maritimes et portuaires intègrent le changement climatique dans leurs modèles économiques et introduisent différentes mesures d’adaptation.

Professeur émérite de géographie à l’Université de Montréal, je suis conseiller pédagogique à l’Administration portuaire de Montréal. Je m’intéresse aux questions de transport maritime depuis 30 ans.

Communications intelligentes
La navigation maritime commerciale sur le Saint-Laurent est affectée par plusieurs conditions : les variations des niveaux d’eau liées aux changements cycliques saisonniers, les précipitations inégales, le mouvement des glaces à la surface du fleuve, les variations de température et les changements d’apport des tributaires et d’autres facteurs anthropiques.

Dans ce système, la zone de transition entre l’eau salée et l’eau douce commence à l’est de l’île d’Orléans. L’eau avec une concentration en sel plus élevée a une densité plus élevée que l’eau douce. Par conséquent, les navires s’enfoncent plus profondément dans ce dernier.

Cela signifie que les voies de navigation doivent être entretenues et équipées d’aides fixes et flottantes (phares, feux d’alignement, bouées, etc.) Le Service hydrographique du Canada surveille les marées et les niveaux d’eau, produit des cartes et recueille des données pour élaborer des programmes d’utilisation sécuritaire et durable de la voie navigable.

L’aide à la navigation comprend un système de télécommunications entre les navires et les rives du fleuve. Le Saint-Laurent étant particulièrement difficile à naviguer, les services de pilotes fluviaux sont nécessaires pour assurer la sûreté et la sécurité des navires du monde entier. Ouverte à la navigation océanique hivernale, la Garde côtière entretient une flotte de brise-glaces pour maintenir les navires en mouvement.

Les impacts du changement climatique
La littérature scientifique confirme que le transport maritime, les systèmes portuaires et les chaînes d’approvisionnement sont influencés par l’action combinée du changement climatique et de diverses formes d’intervention humaine.

Les changements climatiques se manifestent principalement par des températures de l’air plus élevées qui influent sur les niveaux d’eau, les précipitations, l’état des glaces et les tempêtes. Ceux-ci peuvent accroître la vulnérabilité de la chaîne de transport fleuve-mer Saint-Laurent ainsi que le coût de la participation du Québec au commerce international.

Voici comment l’industrie maritime et portuaire réagit et s’adapte à ces nouvelles circonstances.

1) Températures extrêmes
Les températures extrêmement chaudes entraînent un ralentissement de la productivité du travail et une réduction des heures de travail à l’extérieur. Cela se traduit par des heures d’amarrage plus longues, des retards conséquents dans les opérations et davantage de navires en attente.

De plus, les températures élevées ont un impact sur les installations portuaires. Les machines sont plus susceptibles de tomber en panne et les coûts énergétiques de la ventilation et de la climatisation sont plus élevés.

La hausse des températures peut également accroître la vulnérabilité des environnements marins aux tempêtes et au niveau des vagues. Les tempêtes ont un impact direct sur la programmation des voies de navigation sur le Saint-Laurent.

Solutions : Certaines innovations utilisent la navigation intelligente pour réduire la vulnérabilité de la navigation commerciale aux variations extrêmes de température (froid et chaleur extrêmes), aux fluctuations des niveaux d’eau (basses eaux et inondations) et aux changements de force et de direction du vent.

La navigation intelligente repose sur l’interconnectivité entre les systèmes d’information. L’aide à la navigation (numérisation des fonds marins, réalité augmentée et mixte pour le pilotage et les réparations physiques en mer) permet de limiter les risques d’incidents et d’accidents sur le fleuve ou dans le chenal maritime.

Pour assurer l’amarrage en toute sécurité des navires à quai lors de vents violents ou de conditions météorologiques extrêmes, les autorités portuaires renforcent les bollards d’amarrage pour éviter les bris. De plus, les ports du Saint-Laurent ont adopté des plans de prévision des délais d’accostage et de déchargement des marchandises afin de limiter les temps d’attente au port lors de conditions météorologiques extrêmes.

2) Fluctuation de l’eau
Considérant que le système du Saint-Laurent permet l’accès aux gros navires, les niveaux d’eau posent un problème plus important qu’ailleurs.

Cependant, le changement climatique exacerbe les problèmes d’accès dans tous les ports fluviaux. Les changements de profondeur d’eau affectent non seulement leur capacité, mais aussi leur fiabilité, facteur clé du développement du trafic maritime.

Le réchauffement climatique annonce des hivers plus courts et plus chauds, avec un temps plus doux et des épisodes pluvieux. De fortes pluies peuvent augmenter le déplacement des sédiments et entraîner le dragage et l’entretien des canaux d’accès.

Cela pourrait entraîner de graves inondations des quais et des zones de manutention portuaire en raison des débordements côtiers et des problèmes de drainage des eaux de pluie de surface. Des inondations importantes pourraient également endommager les équipements de surveillance et compromettre la sécurité du port.

Solutions : Lors d’épisodes d’étiage, les autorités portuaires renforcent la sécurité de tous les navires opérant sur le réseau fluvial en installant une signalisation numérique et physique indiquant l’emplacement des phénomènes actuels et des hauts-fonds.

Lors de précipitations intenses et extrêmes, les ports entreprennent la mise à niveau des quais et des infrastructures. Les sédiments retirés lors du dragage d’entretien peuvent être utilisés pour stabiliser les infrastructures soumises à une érosion accrue ou pour fournir des services environnementaux.

3) Formation de glace variable
Le gel est un phénomène qui protège en partie le littoral en hiver. À mesure que la glace diminuera, il y aura une augmentation potentielle de l’exposition côtière aux fortes vagues et, en même temps, une érosion accrue du littoral.

Les changements climatiques entraîneront une plus grande variabilité des épaisseurs moyennes de glace et, surtout, une rupture de la couverture de glace sur le fleuve Saint-Laurent. Dans plusieurs ports du Saint-Laurent, cette fragmentation pourrait s’accélérer à mesure que les navires entrent et sortent du port.

Ces multiples bris de glace posent de sérieux problèmes de sécurité maritime, augmentant le risque de collision avec des navires contraints de ralentir.

Solutions : Pour lutter contre la formation erratique des glaces, la création d’un service de surveillance de l’état des glaces dans les eaux du fleuve est une mesure prioritaire qui est en train d’être systématisée ou renforcée. Il fournit aux navires un outil de navigation précis. L’acquisition de remorqueurs équipés de brise-glaces fonctionnant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, permettra d’éviter l’accumulation de glace près des ports et des voies navigables, augmentant ainsi la sécurité des navires commerciaux.

Transition énergétique
La réduction de l’empreinte carbone de l’économie portuaire maritime est au cœur de la lutte contre le changement climatique. Les transporteurs maritimes et les ports font face à différentes stratégies de gestion de la transition énergétique.

Les transporteurs maritimes canadiens tels que Fednav, CSL, Groupe Desgagnés Inc, NEAS, Ocean Group, ainsi que la Société des traversiers du Québec et la Garde côtière canadienne, ont investi dans : 1) l’amélioration de leurs flottes grâce à des technologies de réduction des émissions ; 2) réduire la vitesse des navires ou 3) utiliser des carburants alternatifs, notamment le gaz naturel liquéfié (GNL) et les biocarburants.

Les ports du Saint-Laurent ont aussi entrepris plusieurs initiatives : installation de bornes électriques pour propulser les navires (Montréal); l’introduction du gaz naturel comme nouveau service de ravitaillement des navires (Montréal, Québec); baisse des redevances portuaires pour les armateurs écoresponsables (Québec); installation de nouveaux équipements de chargement pour réduire les temps d’attente des navires (Sept-Îles); financement de projets et d’innovations écologiques (Trois-Rivières); développer des projets d’économie circulaire (Bécancour); installation de convoyeurs électriques (Saguenay).

Cette transition énergétique en cours nécessite le développement d’outils de production d’énergies renouvelables, une recherche de gains d’efficacité, une réduction des consommations et une augmentation des interconnexions pour faciliter les échanges.

Cette transformation structurelle des modes de production et de consommation d’énergie nécessite des investissements importants, l’introduction d’innovations et une volonté politique forte. Dans ce contexte, les actions de l’industrie maritime et portuaire québécoise s’inscrivent dans les meilleures pratiques internationales en transition énergétique.

L’auteur
Claude Comtois, professeur émérite de géographie, Université de Montréal

(Cet article a été initialement publié en français. Source : La conversation)

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