Par Clifford Harvey, directeur des enquêtes maritimes au Bureau de la sécurité des transports du Canada
Le 24 août 2018, le navire à passagers Akademik Ioffé s’est échoué dans l’Arctique canadien. Le navire naviguait dans une région éloignée où aucun membre de l’équipage n’avait jamais été auparavant et qui n’avait pas été arpentée selon les normes hydrographiques modernes. Bien que personne n’ait été blessé et que les 163 personnes à bord aient été secourues, le navire a subi des dommages importants à sa coque. Une enquête (M18C0225) du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a identifié un certain nombre de lacunes en matière de sécurité ainsi que des risques à traiter.
Alors, qu’est-ce-qu’il s’est passé?
Le navire s’est écarté de son plan de voyage initial en raison de préoccupations concernant les conditions météorologiques ayant une incidence sur une excursion de passagers prévue. En préparant un nouveau plan de voyage pour tenir compte de cela, le capitaine s’est fié à une carte canadienne, mais ne savait pas qu’elle ne contenait que des données bathymétriques partielles, et il n’a donc pris aucune précaution supplémentaire pour atténuer les risques de naviguer dans cette zone.
Pendant ce temps, les alarmes sonores de faible profondeur d’eau sur les deux échosondeurs – considérées comme une nuisance – avaient été désactivées. Juste avant l’échouement, l’officier de quart était multitâche et le timonier gouvernait le navire. En l’absence d’autre équipage engagé dans la surveillance de la situation ou de l’équipement de navigation, la profondeur de l’eau sous la quille a régulièrement diminué. Le navire s’est échoué sur un haut-fond non cartographié avant que des mesures d’évitement puissent être prises.
Avec plus de 85 pour cent des eaux arctiques canadiennes ayant des données hydrographiques inadéquates, la probabilité d’un événement similaire impliquant des navires à passagers engagés dans le tourisme d’aventure est élevée. Lorsque des incidents se produisent, la région froide, vaste et peu peuplée présente des risques supplémentaires pour la survie des passagers. Cette situation est aggravée par le manque d’intervention rapide en matière de recherche et de sauvetage dans la région.
Compte tenu de ces risques—et avec l’augmentation du trafic de navires à passagers dans l’Arctique—des mesures supplémentaires sont nécessaires. C’est pourquoi le BST a émis la recommandation M21-01, exhortant les principaux agents de changement — Transports Canada et le ministère des Pêches et des Océans — à élaborer et à mettre en œuvre des « mesures obligatoires d’atténuation des risques pour tous les navires à passagers » exploités dans ces eaux.
Bien que la recommandation ne soit pas normative, le Bureau a souligné des mesures facultatives qui pourraient inclure l’exigence d’inspections plus détaillées des navires avant d’entrer dans l’Arctique, ou peut-être l’interdiction aux navires de traverser les eaux arctiques qui n’ont pas fait l’objet d’un levé adéquat. D’autres mesures notées dans le rapport comprennent le transport obligatoire d’aides à la navigation supplémentaires, le recours obligatoire à des experts en navigation surnuméraires ou la garantie que d’autres navires sont toujours à proximité.
Quelles que soient les mesures prises, le rapport du BST est clair : il faut faire davantage pour atténuer les risques, améliorer la sécurité des passagers et protéger un environnement arctique fragile et vulnérable.
–Clifford Harvey est le directeur des enquêtes maritimes au Bureau de la sécurité des transports du Canada.